samedi 5 juillet 2014

Compte rendu d'une intervention à trois voix au Fil SMAC de Saint-Étienne


Une prise de parole collective de membres de la CIP 42 ou non. Bénéficiaires du régime de l'intermittence ou non... Mais solidaires et porteurs d'une croix blanche. Une parole soutenue par de solides présences silencieuses. Celle de la nécessité de nous réunir, d'une prise en charge individuelle pour une lutte collective, et en dehors de toute organisation syndicale pour une dénonciation claire des négociations à huis clos entre l’État et les partenaires sociaux majoritaires, ainsi que la guerre idéologique menée par le MEDEF contre le système d'assurance chômage des intermittents du spectacle. Régime qui pourrait faire école, et être élargi à l'ensemble des travailleurs précaires, chômeurs du régime général, chômeurs seniors, employés en contrat court, vacataires, intérimaires, saisonniers, salariés victimes d'un licenciement injustifié...

Une parole contre la casse des droits sociaux suivie d'une analyse du démantèlement de l'assurance chômage et de précarisation des salariés chez nos camarades et voisins européens. Le droit de grève menacé en Espagne. Le financement de la culture abandonné en Italie...
Et conclure avec le témoignage de la difficulté de vivre sereinement les périodes d'inactivité "salariée" pour nombre de professionnels du spectacle. Dire aussi, avec humilité, notre difficulté parfois à offrir un décryptage clair du nouvel accord Unedic, et saluer le travail des groupes de travail et/ou commissions des différentes CIP comme pour encourager chacun à s'en rapprocher. Pour s'informer. Pour ne plus rester seul avec ses a priori, ses idées reçues ou ses interrogations.

Nous ne nous plaignons pas, nous appelons chacun, chacune à dénoncer cette politique du tout économique, et nous persuader qu'ensemble, nous trouverons la force et la lucidité de répondre à l'urgence de dire NON ! Reprenons notre vie en main avant que toutes nos actions pourrissent sur place, et que le jeu de la division des cosignataires de la crise, nous pousse à oublier que nous sommes des êtres libres artistiquement mais aussi politiquement ! Organisons des débats après chaque spectacle et répondons ainsi à la demande de spectateurs, de concernés ou non. Parce qu'on se heurte à la colère insinuée par le jeu gouvernemental qui a prévu de nous opposer : public contre professionnels du spectacle, permanents contre intermittents, précaires contre précaires, grévistes contre non-grévistes...
Alors que nous avons tous des aspirations semblables et ne pas souffrir plus longtemps d'une culture à l'agonie, nous invitons toutes celles et tous ceux qui ont participé, hurlé leur colère, offert leur soutien, interrogé leurs a priori à une des actions de ces derniers mois, à se rejoindre. Envahissons nos villes, nos places publiques et votons, envisageons la grève chacun à sa mesure, chacun à son rythme, de manière souveraine, comme une réelle nécessité de reprendre le temps de nous parler, de requestionner nos vies et ce que représente "le travail", ou une pratique professionnelle, une activité salariée ou non.

Ensemble, nous gagnerons la course contre la fatigue financière et morale, et trouverons la force de remettre en question notre manière de penser, de consommer, de travailler, de vivre... sans cette peur viscérale d'être montré du doigt ou celle du lendemain. Tenter de sortir de la culpabilité. Vaincre la fragilité sociale et psychosociale qui empêche ! Personne ne devrait continuer de croire qu'il est un assisté, un fainéant, un inutile, un profiteur, un sans-talent... Retrouver aussi la force de refuser un emploi, ou simplement, ne pas tout accepter et savoir rester debout, respectueux de ses propre désirs ou réalités. Faire face aux menaces, à la peur de perdre bien plus qu'un emploi : ses indemnisations, ses prestations sociales, la maigre liberté financière parfois nécessaire à sa survie... La terreur s'installe vite, l'angoisse de devenir ou d'être suspecté d'assistanat volontaire et les dérives de ça. Alors oui, le lien solidaire, l'entraide peut libérer, nous paraît essentiel pour ne pas rester en apnée et dire ses colères, ses joies aussi. La frontière entre chômage et exclusion est extrêmement fine et fragile. Et à noter, une forme de "racisme" linguistique, administratif, qui peut générer un sentiment de honte, de gêne à ne pouvoir se défendre, se raconter, et donc lutter.

Voilà pourquoi, nous devons mettre de l'humain au cœur de la réflexion et nous élever contre celles et ceux qui pensent que nous ne sommes représentatifs de rien !

Nous ne nous laisserons pas être contrôlés et exclus... Nous ne sommes pas de dociles marionnettes, nous sommes celles et ceux qui les fabriquons ! Oui, nous sommes des fabricants, des faiseurs, des réalisateurs, des bricoleurs, des artistes et des techniciens, des femmes et des hommes conscients et libres de fabriquer leur vie. Pas des trafiquants. Ni des casseurs, ni des irresponsables... Non !

En sortant de tous les "chez soi", en étendant la solidarité, en passant par-dessus les divisions, en s'obligeant à des convergences intelligentes, on peut rêver d'une lutte d'ensemble, ensemble. Retrouvons-nous donc, toutes et tous, et organisons-nous pour vivre ce qui reste de plus solidaire, de plus humain de ces temps de luttes et en dehors des clivages qu’on nous impose.

Parce que contre une espèce de mépris général et obstiné, nous aurons l'impertinence de rester debout et la fantaisie de continuer de dire NON ! Sur tous les tons ! Parce que de plus en plus rassemblés. Parce que de mieux en mieux informés !

Nous ne sommes pas les seuls, en tant qu'artistes ou techniciens, cotisants, bénéficiaires du régime de l'intermittence ou non, à être confrontés à la fragilité de l'emploi, raison pour laquelle nous sommes solidaires et engagés.

Le temps de l'intermittence est notre temps de réflexion, de formation, de création, notre temps commun. Une passerelle nécessaire et vitale.
Pour que l'art ne soit pas juste lié à la circulation du capital, il nous faut lui redonner une valeur. Et ne jamais taire ce qu'il y a de relevant à s'engager alors que la précarité est là et qu'ON s'emploie à la produire pour nous.

Ensemble, nous saurons décoloniser notre imaginaire de la violence de l'économie capitaliste, réinventer - sans illusion – le politique, et aujourd'hui et tous les autres jours seront le jour idéal !

L'art et la pensée, avec pour horizon, une autre idée de la démesure : celle d'une politique culturelle cohérente ! Celle du partage !

Parce que la culture est un élément essentiel voire fondamental à notre survie, parce que les intermittents sont des professionnels du spectacle, et pour empêcher qu'ils ne continuent à être transformés en bénévoles ou stagiaires de la production du spectacle vivant rentable, parce que les intermittents sont partout, nous ne nous laisserons pas enterrer sans bruit !
Et nous continuerons de signer que ce que nous défendons, nous le défendons pour tous !


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