Une
prise de parole collective de membres de la CIP 42 ou non.
Bénéficiaires du régime de l'intermittence ou non... Mais
solidaires et porteurs d'une croix blanche. Une parole soutenue par
de solides présences silencieuses. Celle de la nécessité de nous
réunir, d'une prise en charge individuelle pour une lutte
collective, et en dehors de toute organisation syndicale pour une
dénonciation claire des négociations à huis clos entre l’État
et les partenaires sociaux majoritaires, ainsi que la guerre
idéologique menée par le MEDEF contre le système d'assurance
chômage des intermittents du spectacle. Régime qui pourrait faire
école, et être élargi à l'ensemble des travailleurs précaires,
chômeurs du régime général, chômeurs seniors, employés en
contrat court, vacataires, intérimaires, saisonniers, salariés
victimes d'un licenciement injustifié...
Une
parole contre la casse des droits sociaux suivie d'une analyse du
démantèlement de l'assurance chômage et de précarisation des
salariés chez nos camarades et voisins européens. Le droit de grève
menacé en Espagne. Le financement de la culture abandonné en
Italie...
Et
conclure avec le témoignage de la difficulté de vivre sereinement
les périodes d'inactivité "salariée" pour nombre de
professionnels du spectacle. Dire aussi, avec humilité, notre
difficulté parfois à offrir un décryptage clair du nouvel accord
Unedic, et saluer le travail des groupes de travail et/ou commissions
des différentes CIP comme pour encourager chacun à s'en rapprocher.
Pour s'informer. Pour ne plus rester seul avec ses a priori, ses
idées reçues ou ses interrogations.
Nous
ne nous plaignons pas, nous appelons chacun, chacune à dénoncer
cette politique du tout économique, et nous persuader qu'ensemble,
nous trouverons la force et la lucidité de répondre à l'urgence de
dire NON ! Reprenons notre vie en main avant que toutes nos actions
pourrissent sur place, et que le jeu de la division des cosignataires
de la crise, nous pousse à oublier que nous sommes des êtres libres
artistiquement mais aussi politiquement ! Organisons des débats
après chaque spectacle et répondons ainsi à la demande de
spectateurs, de concernés ou non. Parce qu'on se heurte à la colère
insinuée par le jeu gouvernemental qui a prévu de nous opposer :
public contre professionnels du spectacle, permanents contre
intermittents, précaires contre précaires, grévistes contre
non-grévistes...
Alors
que nous avons tous des aspirations semblables et ne pas souffrir
plus longtemps d'une culture à l'agonie, nous
invitons toutes celles et tous ceux qui
ont participé, hurlé leur colère, offert leur soutien, réinterrogé
leurs a priori
à une des actions de ces derniers mois, à se rejoindre. Envahissons
nos villes, nos places publiques et votons, envisageons la grève
chacun à sa mesure, chacun à son rythme, de manière souveraine,
comme une réelle nécessité de reprendre le temps de nous parler,
de requestionner
nos vies et ce que représente "le travail", ou une
pratique professionnelle, une activité salariée ou non.
Ensemble,
nous gagnerons la course contre la fatigue financière et morale, et
trouverons la force de remettre en question notre manière de penser,
de consommer, de travailler, de vivre... sans cette peur viscérale
d'être montré du doigt ou celle du lendemain. Tenter de sortir de
la culpabilité. Vaincre la fragilité sociale et psychosociale qui
empêche ! Personne ne devrait continuer de croire qu'il est un
assisté, un fainéant, un inutile, un profiteur, un sans-talent...
Retrouver aussi la force de refuser un emploi, ou simplement, ne pas
tout accepter et savoir rester debout, respectueux de ses propre
désirs ou réalités. Faire face aux menaces, à la peur de perdre
bien plus qu'un emploi : ses indemnisations, ses prestations
sociales, la maigre liberté financière parfois nécessaire à sa
survie... La terreur s'installe vite, l'angoisse de devenir ou d'être
suspecté d'assistanat volontaire et les dérives de ça. Alors oui,
le lien solidaire, l'entraide peut libérer, nous paraît essentiel
pour ne pas rester en apnée et dire ses colères, ses joies aussi.
La frontière entre chômage et exclusion est extrêmement fine et
fragile. Et à noter, une forme de "racisme" linguistique,
administratif, qui peut générer un sentiment de honte, de gêne à
ne pouvoir se défendre, se raconter, et donc lutter.
Voilà
pourquoi, nous devons mettre de l'humain au cœur de la réflexion et
nous élever contre celles et ceux qui pensent que nous ne sommes
représentatifs de rien !
Nous
ne nous laisserons pas être contrôlés et exclus... Nous ne sommes
pas de dociles marionnettes, nous sommes celles et ceux qui les
fabriquons ! Oui, nous sommes des fabricants, des faiseurs, des
réalisateurs, des bricoleurs, des artistes et des techniciens, des
femmes et des hommes conscients et libres de fabriquer leur vie. Pas
des trafiquants. Ni des casseurs, ni des irresponsables... Non !
En
sortant de tous les "chez soi", en étendant la solidarité,
en passant par-dessus les divisions, en s'obligeant à des
convergences intelligentes, on peut rêver d'une lutte d'ensemble,
ensemble. Retrouvons-nous
donc, toutes et tous, et organisons-nous pour vivre ce qui reste de
plus solidaire, de plus humain de ces temps de luttes et en
dehors des clivages qu’on nous impose.
Parce
que contre une espèce de mépris général et obstiné, nous aurons
l'impertinence de rester debout et la fantaisie de continuer de dire
NON ! Sur tous les tons ! Parce que de plus en plus rassemblés.
Parce que de mieux en mieux informés !
Nous
ne sommes pas les seuls, en tant qu'artistes ou techniciens,
cotisants, bénéficiaires du régime de l'intermittence ou non, à
être confrontés à la fragilité de l'emploi, raison pour laquelle
nous sommes solidaires et engagés.
Le
temps de l'intermittence est notre temps de réflexion, de formation,
de création, notre temps commun. Une passerelle nécessaire et
vitale.
Pour
que l'art ne soit pas juste lié à la circulation du capital, il
nous faut lui redonner une valeur. Et ne jamais taire ce qu'il y a
de relevant à s'engager alors que la précarité est là et qu'ON
s'emploie à la produire pour nous.
Ensemble,
nous saurons décoloniser notre imaginaire de la violence de
l'économie capitaliste, réinventer - sans illusion – le
politique, et aujourd'hui et tous les autres jours seront le jour
idéal !
L'art
et la pensée, avec pour horizon, une autre idée de la démesure :
celle d'une politique culturelle cohérente ! Celle du partage !
Parce
que la culture est un élément essentiel voire fondamental à notre
survie, parce que les intermittents sont des professionnels du
spectacle, et pour empêcher qu'ils ne continuent à être
transformés en bénévoles ou stagiaires de la production du
spectacle vivant rentable, parce que les intermittents sont partout,
nous ne nous laisserons pas enterrer sans bruit !
Et
nous continuerons de signer que ce que nous défendons, nous le
défendons pour tous !